mardi 4 février 2014

Le joueur- Michel Molinier-

Je m'étais pourtant juré de ne plus jamais revenir dans ce salon, mais au dernier moment, je n'ai pas pu résister et j'ai poussé la porte de bois sculpté et grimpé quatre à quatre les larges escaliers de marbre qui m'amenaient dans cet antre de la perdition! Mais, dans ce lieu, je revis et je suis un autre homme aimé et riche.
Oh je ne suis pas dupe, tous ces sourires et ces courbettes ne me sont destinés que pour mon argent.
Oui, je dilapide la fortune de ma mère. Oui j'ai mis au clou bracelets et colliers. Oui, j'ai revendu tous ses foulards de soies qu'elle portait, légère, en souriant, comme ses fragrances subtiles.
Je suis un lâche, mais devant le tapis vert je me sens un guerrier, invincible, et reconnu !
Pure illusion, mais ces salauds me tiennent par mon orgueil et ils le savent et je le sais.
Ce soir je vais leur montrer qui je suis !
Je vais tenter un coup de bluff !
Je serre dans mes doigts les billets que j'ai récupérés chez "ma tante". Vous connaissez ma tante ! Vous déposez vos bijoux, on les gages et vous recevez en échange un reçu et un paquet de fric!
Je vais tous les éclater ces minables car je suis bien meilleur qu'eux !
Mais le doute m'envahit, et si, et si tout cela était vain ! Et si encore une fois j'allais repartir la tête basse, le cœur sec et la bourse vide...
Non, ce n'est pas possible, ce n'est pas moi là, ce beau garçon aux yeux verts fier et droit, plein d'avenir!
Je glisse encore dans le jeu. Mes mains, mes tempes, mon dos transpirent. Je vois leurs yeux cupides et leurs doigts crochus, et les sourires mielleux et cruels. Je suis bien meilleur qu'eux, je leur suis supérieur! Mais j'ai misé et j'ai encore perdu.
Le tram qui hurle dans le lointain est ma solution ! Je veux mourir mais je n'en ai pas le courage! Ma volonté est à zéro. Ah, il me reste un flacon de cognac. Je vais boire pour m'étourdir! M’assommer et demain, demain...
Ma souffrance est blanche!


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