vendredi 24 janvier 2014

Je ralentis le pas...-Guy Maurin-

Je ralentis le pas au passage... dans l’espoir d’humer quelque parfum de cette jeunesse. Je reçu une bouffée de vodka rancie, qui m’obligea à fermer les narines et accélérer le pas. Je dépassai le cours du canal, vert de gris comme un tromblon aigri, mais l’étrangeté de la situation me fit retourner sur mes pas. Toujours accoudée au muret froid, elle semblait intégrée à la pierre. Seule, les couleurs des vêtements la désassemblait du décor. J’hésitais cependant à retourner dans l’atmosphère  qui m’avait repoussé précédemment.
L’éclair de chair dévoilé par la déchirure de son collant exerçait cependant une attraction que limitait seule le bas d’une jupe très courte au haut de cuisses bien formées. Des dégoulinades sur ce tissu figuraient à n’en pas douter un paysage de monuments, clochers à bulbe ou parcs et jardins, tracées certainement par un dialogue trop approfondi avec une bouteille à l’amitié circonstancielle.
Je m’approchai malgré moi de son manteau rouge, mité, aux poignets effilochés, dans l’espoir d’offrir mon aide à son désespoir supposé, qui la ferait se blottir dans mes sentiments confortables certes, mais insécures. Je la réconfortai par des propos convenus pour ne pas l’effaroucher, puis digressai sur le sens de la vie qui s’écoule telle l’eau de ce canal et philosophai finalement sur l’élan de solidarité unissant tous les humains, et moi en particulier, vis-à-vis d’elle pour peu que, sans reproche, elle consentit à s’en emparer et me partager. Je l’interrogeai sur la cause de cette envie  de mettre un terme à ses jours, telle qu’elle m’apparaissait.

Les yeux exorbités, désignant le flux glauque qui s’étalait plus bas, elle proféra dans un cri hystérique, déchirant : « ma bouteille est tombée ! ».


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