mercredi 21 décembre 2011

D'après nature- Nicole Guesdon

Me voyant dans une solitude extrême un ami me conseilla d’exploiter un don. Je me mis à réfléchir puis je pensais que je dessinais, il est vrai, avec un certain talent et je me pris au jeu. Pour une première fois, ce fut sublime.
« D’après nature », je n’en compris le sens que lorsque je sentis tous mes sens s’éveiller à la vue de ce nu nous tournant le dos. Les autres élèves prirent une nouvelle feuille et commencèrent un croquis, fusain ou sanguine, ils étaient absorbés par ce geste de la main cintrant les lignes qu’ils contemplaient.
Je ne pouvais en faire autant, mon regard était retenu par cette nuque splendide. Quelques duvets y faisaient une ombre, symbolisme de la pudeur, atténuant ainsi la blancheur de la peau. Puis, mes yeux suivirent la ligne courbe de l’épaule, une peau que je pressentais veloutée amorçait l’annonce d’un bras dont je ne devinais que la naissance.
A la vue de cette omoplate légèrement saillante, je pris mon fusain et je commençais à dessiner mon envie. Puis vint la ligne sinueuse de la colonne vertébrale dont j’eusse aimé laisser glisser mon doigt, juste l’index, seulement l’index sur les notes de ces vertèbres figurant la gamme de mes rêves.
Mon fusain, sûr de son pouvoir, traça une ligne majestueuse qui arrivait au seuil de ce plateau sur lequel figuraient deux fossettes jumelles.
Je n’étais plus moi, j’étais le fusain qui noircissait la feuille, un simple objet tenu par des doigts tremblants inspirés par ce nu que je voyais pour la première fois.
Sur mon haut tabouret, artiste je ne l’étais plus, j’étais elle sans qu’elle le su.
Le soir je m’endormis serein après avoir cependant remercié cet ami qui m’avait ouvert la porte donnant sur l’exploitation des dons cachés en soi, ma solitude fut comblée ce jour-là.

Nicole Guesdon


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