mercredi 27 janvier 2016

J'aime le rouge - Arlette Millard

J’aime le rouge

Moi, j’aime le rouge, tu vois, les couchers de soleil sur les cartes postales que mes collègues m’envoient l’été,  de Concarneau et de Douarnenez, de la Bretagne quoi.  
Ca me fait penser aux pompons des marins ; j’aime bien les pompons, les marins aussi, et puis les hommes qui se mettent un œillet rouge à la boutonnière, ça habille, ça fait classe.
Attends, il y a plein de fruits rouges, les groseilles et les framboises, les cerises. Une fois, on est allé cueillir des cerises à la campagne avec les copains. J’en avais accroché à mes oreilles et bien, Kevin est venu les croquer et il en a profité pour m’embrasser ! J’aime bien Kevin !
Il y a aussi du rouge chez les animaux, les rouges-gorges, les poissons rouges. J’aime bien les poissons rouges,  ils ne te demandent pas de les descendre dans la rue pour leurs besoins, ils sont paisibles, ils n’aboient pas comme le chien de la voisine.
J’aime bien m’habiller en rouge mais seulement pour sortir. J’ai une super robe en satin rouge avec des paillettes sur le bord des manches, mais discrète, tu vois.  Alors je me maquille : du rouge sur les joues, du rouge à lèvres et puis j’enfile les souliers vernis assortis. Je me souviens d’une histoire que m’avait raconté un ami qui est dans les livres, celle d’ une duchesse qui met une robe de bal rouge, un peu comme la mienne, et qui oublie de changer de chaussures et le duc – le duc c’est son mari, un homme du monde – y voit ses chaussures noires, les yeux lui sortent de la tête et il te les lui fait changer vite fait ! Mon copain m’a dit le nom de l’écrivain, il parait qu’il est très connu mais je ne m’en souviens plus, je crois que c’est un homme qui aime bien tremper les madeleines dans ses tisanes. Chacun son goût !
Quand j’ai mis ma robe rouge, je vais au café ou à la brasserie. Je commande un verre de vin rouge, pas du vin qui a trainé des années dans des caves, une bouteille que  le garçon t’apporte dans un seau avec une serviette autour du goulot. Les types qui la goûtent font toutes sortes de manigances, ils tournicotent  vingt fois le vin dans leur verre, ils se penchent dessus pour le respirer comme si c’était le n° 5 de Chanel, ils finissent par en boire une petite gorgée et crois-tu qu’ils  te l’avaleraient comme tout le monde, non, ils se le gardent un bon moment avec les yeux au ciel, ils s’en gargarisent comme s’ils se lavaient les dents avec !

Moi, j’aime le gros rouge, le rouge qui tache et qui pousse au crime, bon,  Je dis ça pour rire, je ne vais pas jusque là. Un verre, deux verres, le der des der, le der de der final, sinon, bonjour les dégâts en conduisant. Ah !  Je me sens bien, je décolle, je suis « Uphorique » comme dit mon copain qui connait les histoires de duchesses, j’ai même pas vu le feu, dis-donc, ni la vitrine, mais je vois bien le gros camion rouge qui déboule de la rue à toute vitesse ! Pin pon ! Pin Pon !


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