Nous sommes en Juin 1968.
Paris tente de sortir de ses déchirures.
Le voyage a été long, très long, éprouvant. Un voyage en train
et en bateau pour Caprera, une petite île de Sardaigne.
De ma vie, je n’avais jamais été aussi loin.
Après le train, un
bateau à Civitavecchia, un bateau pour la grande île. Des heures d’attente, des
heures de fatigue dans la poussière…. Un réel bonheur m’envahissait pendant ce
voyage singulier, la découverte, la mer, l’inconnu.
J’ai toujours adoré les mers.
Dans le train Paris-Rome, j’ai trouvé un vieux Paris-Match sur
la banquette éraflé au cuir vert
bouteille, un Paris-Match qui découvrait des images d’un fœtus in-utero, pouce
en bouche, premières images de l’humain
avant l’humain. Je fus captivée, troublée, médusée ! Le hasard n’existe
pas.
C’est vers cinq heures du matin que je foulais, le sol de
Sardaigne, accompagnée de ma sœur, jeune femme à la beauté étonnante.
De larges barcasses amarrées à d’épais piquets de bois, se
gondolaient sur une mer transparente. Les Italiens nous accueillirent à grands
coups de « ciao Bella » et le départ pour Caprera fut donné malgré
les pieds peu marins !
Traversée chaotique, mal de mer ! Il fallut m’allonger au
sol de la vieille barque pour ce dernier itinéraire. Je ressentais que mon
corps dans cette épreuve, ne réagissait pas comme à l’habitude.
Curieuses sensations…
Quelques temps après, j’ouvris les yeux, émerveillée, sur une
petite île qui semblait l’endroit le plus reculé du monde et j’ignorais encore
que c’est dans ce paradis, cet ilot lumineux, au milieu de la mer de Sardaigne,
qu’un des plus beaux moments de ma vie allait se jouer.
L’endroit était sauvage. Une beauté secrète, farouche.
Les rochers tombaient férocement dans la mer et cette eau transparente
caressait doucement la plage blanche, irisée,
opaline.
Le ciel était d’un bleu céruléen et dans la translucidité de
l’eau, des poissons frétillants, guillerets,
menaient une folle danse. Au fond de cette transparence, on voyait des
galets posés tels des pierres précieuses.
La vie dans ce lieu minuscule n’était que promesses de
quiétude, de grand bonheur, d’allégresse. Et c’est sur ce sol, du haut de mes
vingt ans, que j’eus la certitude
d’attendre mon enfant.
Il
était encore trop tôt pour que je puisse comprendre que cette naissance me
permettrait de lutter avec l’abandon qui chevillait ma vie.
C’est dans une
caravelle d’Air France, que je fis le chemin du retour avec l’avenir au creux
de mon ventre.
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