samedi 16 juin 2012

Eine grosse "conte moderne"- Jérôme Vaillant


Contrainte d'écriture :
Utilisez une citation de JJ Rousseau et les mots :
un sportif, une voiture, une gare, un bijou, un mariage, un chien pour écrire un conte moderne...
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Il pleut à verse et il fait froid.
Une Trabant à bout de souffle s'arrête brusquement. Quelqu'un de pressé en sort et dit au revoir à celui qui conduit.
Nous sommes l'hiver 1971, gare Karl Marx Banhof à Berlin EST. Barbara Müller court prendre le train pour aller participer à un championnat féminin de natation. Direction la piscine olympique de Poznan, en Pologne. Il s'agit d'une compétition entre pays frères du COMECON : les athlètes roumaines, hongroises et cubaines vont être là, en rangs serrés et ordonnés. L'ambiance sera à la fois officiellement conviviale et réellement tendue. Seules les meilleures nageuses iront défendre les couleurs de leur patrie aux J.O. De Münich, de l'autre côté du Mur.
Pas de cadeaux, on nage et on gagne. Le sportif est là pour gagner, pas participer.
Barbara porte son survêtement gris foncé et sobre, orné du blason de son club. Tout le monde est pile à l'heure. Les équipes techniques encadrent avec rigueur et veillent à la discipline du groupe. La RDA ne doit pas être battue dans les lignes d'eau.
A Poznan, les jours se suivent et se ressemblent.
Entraînements durs dès l'aube, repas frugaux, injections discrètes dans les vestiaires et épreuves sans merci s'enchaînent.
Barbara, qui fume un peu en cachette va, chaque soir, après le dîner sans joie déguster une bouffée d'air frais et une âcre cigarette, discrètement, au pied de la caserne de pompiers grise mise à la disposition de sa délégation.
Elle y fait par hasard la connaissance de Piotr, le gardien de nuit (qui transmet un rapport de routine quotidien à ses supérieurs, pour la forme, au sujet des faits et gestes de l'équipe de RDA).
Il est jeune, il y croit encore.
Il patrouille avec zèle et son berger allemand qu'il surnomme Chopin, même si son matricule est 223K. Chopin et Piotr font des rondes ensemble.
Chaque soir, il croise Barbara au pied de la caserne, dont le mégot rougeoie dans le noir. Comme il fume lui aussi, ils lient connaissance dans l'obscurité complice.
Il a appris l'allemand à l'école et peut lui parler. Ils se comprennent.

Bien sûr, après deux semaines, il tombe amoureux de Barbara.
Le dernier jour, il lui offre un bijou, une bague d'acier poli, payée avec ses maigres économies et achetée au marché noir.
Bien sûr, tout ceci ne figure pas dans son rapport de patrouille quotidien.
Au moment de lui offrir, il déclame une jolie citation d'un auteur français qui a favorisé la Révolution, là-bas, en France, il y a longtemps. Il l'a découpée dans la rubrique littéraire de la Gazette du Parti., supplément Culturel mensuel. Il dit avec passion : « Sans les femmes, la vie de l'homme serait assistance au commencement, sans plaisir au milieu et sans consolation à la fin. »
Il ajoute : « Marions-nous, camarade ! »

C'est beau.

Alors, Barbara le prend doucement dans ses bras, se met à pleurer et lui dit enfin :
«  Mon pauvre Piotr, si tu savais... en fait je suis un homme. » 

 

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