Contrainte d'écriture :
Utilisez une citation de JJ Rousseau et les mots :
un sportif, une voiture, une gare, un bijou, un mariage, un chien pour écrire un conte moderne...
________________________________________________________________
Il
pleut à verse et il fait froid.
Une
Trabant à bout de souffle s'arrête brusquement. Quelqu'un de
pressé en sort et dit au revoir à celui qui conduit.
Nous
sommes l'hiver 1971, gare Karl Marx Banhof à Berlin EST.
Barbara Müller court prendre le train pour aller participer à un
championnat féminin de natation. Direction la piscine olympique de
Poznan, en Pologne. Il s'agit d'une compétition entre pays frères
du COMECON : les athlètes roumaines, hongroises et
cubaines vont être là, en rangs serrés et ordonnés. L'ambiance
sera à la fois officiellement conviviale et réellement tendue.
Seules les meilleures nageuses iront défendre les couleurs de leur
patrie aux J.O. De Münich, de l'autre côté du Mur.
Pas
de cadeaux, on nage et on gagne. Le
sportif est là pour gagner, pas participer.
Barbara
porte son survêtement gris foncé et sobre, orné du blason de son
club. Tout le monde est pile à l'heure. Les équipes techniques
encadrent avec rigueur et veillent à la discipline du groupe. La RDA
ne doit pas être battue dans les lignes d'eau.
A
Poznan, les jours se suivent et se ressemblent.
Entraînements
durs dès l'aube, repas frugaux, injections discrètes dans les
vestiaires et épreuves sans merci s'enchaînent.
Barbara,
qui fume un peu en cachette va, chaque soir, après le dîner sans
joie déguster une bouffée d'air frais et une âcre cigarette,
discrètement, au pied de la caserne de pompiers grise mise à la
disposition de sa délégation.
Elle
y fait par hasard la connaissance de Piotr, le gardien de nuit (qui
transmet un rapport de routine quotidien à ses supérieurs, pour la
forme, au sujet des faits et gestes de l'équipe de RDA).
Il
est jeune, il y croit encore.
Il
patrouille avec zèle et son berger allemand qu'il surnomme Chopin,
même si son matricule est 223K. Chopin et Piotr font des rondes
ensemble.
Chaque
soir, il croise Barbara au pied de la caserne, dont le mégot
rougeoie dans le noir. Comme il fume lui aussi, ils lient
connaissance dans l'obscurité complice.
Il
a appris l'allemand à l'école et peut lui parler. Ils se
comprennent.
Bien
sûr, après deux semaines, il tombe amoureux de Barbara.
Le
dernier jour, il lui offre un bijou, une bague d'acier poli, payée
avec ses maigres économies et achetée au marché noir.
Bien
sûr, tout ceci ne figure pas dans son rapport de patrouille
quotidien.
Au
moment de lui offrir, il déclame une jolie citation d'un auteur
français qui a favorisé la Révolution, là-bas, en France, il y a
longtemps. Il l'a découpée dans la rubrique littéraire de la
Gazette du Parti., supplément Culturel mensuel. Il dit avec
passion : « Sans les femmes, la vie de l'homme serait
assistance au commencement, sans plaisir au milieu et sans
consolation à la fin. »
Il
ajoute : « Marions-nous, camarade ! »
C'est
beau.
Alors,
Barbara le prend doucement dans ses bras, se met à pleurer et lui
dit enfin :
«
Mon pauvre Piotr, si tu savais... en fait je suis un homme. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire