mercredi 8 février 2012

Le 42- Yen Pham Lerin

Elle regarde son portable une fois encore, la dixième ou vingtième fois depuis ce matin, en alternant silencieusement prières et insultes et en espérant entendre la sonnerie céleste suivie de la voix tant aimée.
Non…rien…le silence… Dépitée, elle sort de son appartement
 en claquant la porte, laissant le précieux appareil sur la console de l’entrée. De retour, les bras chargés de provisions, elle jette un œil rancunier à l’objet de son attention : son cœur s’arrête, elle est prise de vertiges, le chœur des anges résonne à ses oreilles,… il y a un message, …c’est lui enfin !
Il lui donne rendez vous à l’endroit habituel, là où ils se sont rencontrés… « il me tarde…comme c’était long…je t’aime… » dit la voix , musique à nulle autre pareille. De cette démarche conquérante et légère des amoureux qui se savent aimés, elle parcourt en peu de temps le trajet la menant jusqu’au lieu convenu, faisant tourner les têtes sur son passage, suscitant l’intérêt chez les hommes et l’envie chez bien des femmes.

Arrivée en avance, elle s’assoit sur un banc, offrant son visage radieux au soleil, toute à son bonheur. Un homme, que rien ne distingue des autres, prend place à ses côtés et au bout de quelques instants, lui dit, timide, hésitant, qu’il est médium à ses heures et qu’il ne peut se retenir de la mettre en garde contre le nombre 42.
Elle rit et se dit en le regardant « Voilà une technique d’approche très originale ». Mais aujourd’hui, elle n’est qu’indulgence et même tendresse pour la terre entière, en ce jour où elle va enfin LE revoir .A cet étrange inconnu, elle ne trouve rien à dire, sourit cependant gentiment devant son embarras, tourne la tête et se lève d’un bond : elle croit voir l’homme de sa vie de l’autre côté de l’avenue ; elle traverse la chaussée, des ailes aux pieds, transportée de joie et, dans le fracas des freins et les cris des passants, est renversée par un véhicule qui la fait rouler contre le trottoir.
La tête tournée vers le ciel, ses yeux avant de s’obscurcir définitivement accrochent le numéro du bus…42
   « Mon Dieu, murmure t-elle, que c’est bête .... ». Pendant qu’elle se sent doucement glisser vers ailleurs, il lui semble entendre une voix, SA voix, déjà lointaine, crier son nom.

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