mardi 31 janvier 2012

Je sais que tu es dans la salle- Christine Guillard

Je sais que tu es dans la salle. Personne ne m’a signalé ta présence mais cette évidence s’impose à moi. Tu es là, quelque part au milieu des spectateurs et tu m’entends. Tu m’entends et tu sais que je t’attends depuis de longues années. Je t’ai cherché désespérément.  Cent fois, j’ai cru t’apercevoir au hasard dans la rue, cent fois j’ai cru percevoir l’intonation de ta voix, cent fois j’ai senti ton odeur mais je me suis toujours trompée. Aujourd’hui je suis sûre de ta présence bien qu’aucun signe ne me la révèle. Oui, tu es là, tu es revenu, curieux de découvrir ce que la fillette délaissée le jour de ses dix ans est devenue. Te souviens-tu de cette journée ?  Oh bien sûr, tu n’as pas oublié. Tu es parti sans dire un mot, sans rien emporter, comme pour une banale promenade.
Je sais que tu es là car aujourd’hui c’est mon anniversaire. J’ai vingt ans ! Qu’as-tu fait de ces dix longues années. As-tu eu des regrets ? As-tu profité de ta liberté retrouvée ?  As-tu été heureux ? Je te l’avoue sans retenue, moi, j’ai beaucoup pleuré. Et le croiras tu, cette tristesse devenue  avec le temps mélancolie a été ma chance, la source de mon inspiration. Si je suis sur cette scène ce soir, sous les feux des projecteurs, c’est grâce à toi. Mon violon est devenu mon confident. Il a souffert, gémi, pleuré avec moi. Je ne l’ai plus quitté après ton départ, notre intimité est devenue presque indécente, personne ne s’est jamais immiscé entre lui et moi, il n’a même pas laissé de place à l’amour !
Tu es là, tu m’es revenu et j’espère que je ne te décevrai pas. Ferme les yeux, oublie le passé et  écoute-moi. L’âme de mon violon révèlera mon être profond. Puisses -tu être fier de moi. Enfin, reprenons le rêve où nous l’avons laissé, j’ai grandi mais j’ai toujours besoin de toi, papa.

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