mercredi 25 janvier 2012

Je sais que tu es dans la salle...-Khadija MOUHADDAB

Le premier rang, évidemment !
Quelle place stratégique pour m’écouter, me disséquer, peser et sous-peser.

Je savais que tu serais là, au 1er rang.
Je devine tes grandes épaules dans la lumière des projecteurs qui m’aveugle presque.

Pourquoi es-tu venu ? Pour te réjouir de mon état ? Tu n’y verras que du feu car je suis maquillée, apprêtée, requinquée ! Non, tu ne verras pas mes paupières lourdes de tristesse, encore mouillées d’une nuit entière à pleurer.

Pensais-tu vraiment que je pourrais te pardonner ? Je t’entends encore me dire cette phrase terrible de sens « oh, ça va. Après tout, tu chantes tous les vendredis au cabaret Sauvage. Et franchement, si je ne viens pas demain t’écouter, il n’y aura pas mort d’homme ! »

Mort d’homme ? Non.
Mort de mes illusions, oui.
N’as-tu donc pas compris que pour aimer l’autre, il faut l’admirer, ad mi rer !!! Sais-tu seulement que ce mot vient du verbe miro, as, are, c'est-à-dire regarder en latin ?
Non, toi tu ne m’aimes pas parce que tu ne me regardes pas. Pire, tu ne me vois pas.

Pourtant, j’aurais tant voulu que tu me regardes, que tu me scrutes, que tu me dé/couvres, oui en 2 mots, mon cher. Car alors cela aurait signifié que tu me prêtais de l’attention, de l’intérêt, de l’affection.

Mais, dis-moi. Que fais-tu là, assis à mes pieds en quelque sorte ? Tapi dans l’ombre comme un chat de gouttière prêt à griffer, à blesser.

Connais-tu seulement l’expression « n’avoir d’yeux que pour elle », ou encore « elle est la prunelle de mes yeux » ?

Oui, l’amour tient dans ces mots : regarder, parler, toucher.
Mais je perds mon temps avec toi. Quelle idiote ! Je m’adresse à un manchot aveugle et muet, à un handicapé du bonheur !

En fait, j’ai bêtement oublié que toutes les ruptures sont les mêmes. D’une histoire à l’autre, on prend les mêmes et on recommence.

Ecoutes moi bien !
Si je chante sur scène c’est pour donner à voir comme la vie est belle. C’est pour permettre aux autres de jeter un coup d’œil sur la légèreté, l’insouciance. C’est pour leur dire chaque soir « et si on oubliait nos problèmes, nos douleurs. Et si on reprenait le rêve là où on l’avait laissé ? »

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