Je ralentis le pas au passage... dans l’espoir
d’humer quelque parfum de cette jeunesse. Je reçu une bouffée de vodka rancie,
qui m’obligea à fermer les narines et accélérer le pas. Je dépassai le cours du
canal, vert de gris comme un tromblon aigri, mais l’étrangeté de la situation me
fit retourner sur mes pas. Toujours accoudée au muret froid, elle semblait
intégrée à la pierre. Seule, les couleurs des vêtements la désassemblait du
décor. J’hésitais cependant à retourner dans l’atmosphère qui m’avait repoussé précédemment.
L’éclair de chair dévoilé par la déchirure de son collant
exerçait cependant une attraction que limitait seule le bas d’une jupe très
courte au haut de cuisses bien formées. Des dégoulinades sur ce tissu
figuraient à n’en pas douter un paysage de monuments, clochers à bulbe ou parcs
et jardins, tracées certainement par un dialogue trop approfondi avec une
bouteille à l’amitié circonstancielle.
Je m’approchai malgré moi de son manteau rouge, mité, aux
poignets effilochés, dans l’espoir d’offrir mon aide à son désespoir supposé,
qui la ferait se blottir dans mes sentiments confortables certes, mais
insécures. Je la réconfortai par des propos convenus pour ne pas l’effaroucher,
puis digressai sur le sens de la vie qui s’écoule telle l’eau de ce canal et
philosophai finalement sur l’élan de solidarité unissant tous les humains, et
moi en particulier, vis-à-vis d’elle pour peu que, sans reproche, elle
consentit à s’en emparer et me partager. Je l’interrogeai sur la cause de cette
envie de mettre un terme à ses jours,
telle qu’elle m’apparaissait.
Les yeux exorbités, désignant le flux glauque qui s’étalait
plus bas, elle proféra dans un cri hystérique, déchirant : « ma
bouteille est tombée ! ».
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