A la manière de Jean Jacques Rousseau…
Lettre XXV à Julie- (ref . Julie ou la Nouvelle Héloïse)
Il faut Julie que je te parle : j’ai reçu ton portrait, celui que tu as fait faire par ton ami photographe, cet ami que tu m’a présent lors de sa dernière exposition à Beaubourg , que j’ai trouvé pédant et sans attraits . Comme tu le sais nous avons été envoyés, tout un régiment en un lieu que je ne peux nommer, envoyés là au nom de la paix dans le monde, loin de tout, livrés à nous-mêmes pauvres enfants rêveurs et innocents. Dans un monde où les nouvelles vont vite au seul passage épisodique du facteur porteur de nouvelles.
Ils ont tous vu qu’il sortait de sa sacoche une grande enveloppe cabossée sur laquelle on pouvait lire mon nom et en gros « NE PAS PLIER PHOTO » mais qui sait lire le Français sur une si longue distance ? Chacun m’agressait « fais voir, fais voir J-J. » Je me défendais avec ardeur et n’ouvris l’enveloppe pour te contempler en cachette qu’à la nuit tombée, ce qui t’auréolait d’une couleur sépia rappelant les photos de ma grand-mère. Drôle d’ambiance, et drôle de pose également.
Tu diras à ton photographe que te faire tourner la tête et le regard vers lui marque sur ton cou de plis disgracieux, c’est excentrique et ne me plait guère . L’étole dont il a couvertes tes épaules empêche de voir le galbe parfait de ta poitrine. Ton regard semble loucher entre lui et moi auquel tu penses je l’espère à cet instant, ce qui fait paraître ton nez fort long . J’aurais aimé un regard amoureux pour ton fiancé qui se morfond avec d’autres bidasses loin de la civilisation dans une contrée désertiquement dangereuse où le moindre caillou peut exploser sans raison sous ton pied innocent.
Ce portrait a été fait pour moi, non ? Alors pourquoi je n’y trouve pas ton air mutin, tes boucles souples, tes yeux rieurs ? Je reviens dans deux mois, ce qui te donne le temps de te reprendre, de redevenir celle que j’ai aimée , fais le pour ton Jean-Jacques .
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